Presque

French Short Story, poem, presque, almost,happiness, anxiety, illusion, truth, peace, waiting

Le matin est frais, le vent s’élève dans sa douceur et les nuages, comme un rassemblement de cotons blancs et grisâtres, cachent la chaleur d’un timide soleil. La mer est aussi sereine qu’un bébé fait sa sieste ; les vagues ne veulent, pour l’instant, montrer leur puissance contre les rochers, car comme on dit, c’est le calme avant la tempête. Il y a cette sensation que quelque chose va arriver, nous ne savons pas encore quand, mais ça arrivera. Cependant, c’est là où ce mot apparaît, le « presque » : il va presque pleuvoir, il fait presque chaud, il fait presque froid ; on est presque heureux, on est presque triste. C’est une condition qui nous fait sortir d’un confort stable ; elle nous titille pour nous montrer un état illusoire auquel toute douceur devient autre chose.

Il semble que nous attendons éternellement une quelconque manifestation, un lieu, une émotion, un changement ; l’amour, la richesse, la reconnaissance. Nous avons presque atteint le meilleur résultat de l’examen pour passer à une autre étape, or sans le merveilleux certificat, nous resterons toujours coincés dans le temps de l’attente. Nous observons cela partout, quand nous voyageons et quittons notre foyer pour s’installer dans l’inconnu ; nous le voyons dans le commerce, en attendant qu’un ouvrage ou une œuvre d’art soit vendu, pour dire finalement, je suis presque « reconnu » dans ce monde ingrat de l’art. Quel drôle de mot et en même temps quel enfer… 

Ce mot est la cause de beaucoup d’angoisses et d’anxiétés dans notre quotidien. Il n’y a pas de sentiment plus affreux que celui de l’attente, surtout quand il s’agit du plan métaphysique. Ici, nous sommes dans un univers qu’aucun linguiste ou philosophe ne peut comprendre ou, peut-être, l’on néglige de le faire. Prenons un exemple pour illustrer notre situation : la phrase « je suis presque heureux » n’a aucune valeur. Pour autant, nous veillons à ce qu’elle devienne un vecteur de mouvement de l’esprit pour créer de l’espoir ou de la foi. Ainsi, on est dans une déviation complète de la vérité (j’y suis prudent) laquelle nous dit, « toi, tu n’es pas heureux, accepte-le ». Or, la bataille continue entre l’attente du bonheur et l’échappée de ce qui nous rend malheureux.

La guerre est presque finie, nous sommes presque en paix. Voilà deux autres exemples que nous voyons dans notre quotidien, dans les écrans, dans les journaux, dans nos pensées. Il est abominable d’être dans l’attente d’une accalmie, en se projetant dans un futur qui, peut-être, n’existera jamais. Néanmoins, l’air est frais avant d’être pollué, la mer est calme avant l’ouragan ; le sommeil est doux avant le cauchemar, le corps est en forme avant la maladie. Il y a donc un « avant » à chaque événement qu’on attend sans patience, sans conscience, ou presque ?

Notre destin, s’il existe, est presque défini entre l’illusion et la vérité, mais qui suis-je pour parler sur ces deux mots ? Nous sommes entourés d’eux, acceptant davantage les illusions que la vérité et les ornant avec ce sublime et futile mot : « presque ». Nous sommes presque indépendants, nous sommes presque libres, nous sommes presque riches comme les autres. En réalité, il s’agit donc d’une mesure de comparaison entre une chose et une autre ; entre toi et moi ; entre nos egos, nos désirs, nos émotions. C’est pour cela que ce mot, « presque », est inutile à nos existences.

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The last light