Une histoire sans histoire
Pourquoi faut-il toujours commencer une histoire par « il était une fois », cette phrase est bizarre. Il était une fois, comme si le temps s’est arrêté au moment d’un événement quelconque et puis, il meurt ; il nous fait croire que cet instant est le plus important sur tous les instants, or l’avant et l’après sont aussi importants, ou peut-être c’est tout simplement nous, dieux, maîtres, muses qui glorifient les événements afin de nourrir nos petits Olympes. Il était une fois où cette histoire a été écrite dans un café, entouré d'inconnus dont les langues sont également inconnues aux ouïes ; dans un endroit inconnu où la pluie tombe doucement pendant une matinée soucieuse d’un hiver qui se ressemble comme un éternel automne ; les rues sont presque vides grâce au bonheur et le silence des chantiers citadins. Et après que nous avons décrit la merveille du contexte, qu’est-ce qui se passe dans « il était une fois » ?
On ne sait pas encore, car « il était une fois » a interrompu la magie de l’atemporalité de l’histoire. Cependant, cela est le métier des histoires, puisque pour raconter quoi que ce soit, il faut suspendre le temps dans sa réalité et le tourner au monde imaginaire et au sens afin de provoquer chez nous, les Olympes, la sensation d’être aussi figés au temps d’il était une fois. Il a pris alors une photo du temps en gelant tout l’alentour, y compris le vent et le seul nuage qui se pose dans cet endroit inconnu. Il fait froid dehors, « il était une fois » assassina la chaleur quand il fait reposer le temps et qu’on regarde les yeux des curieux dont les langues sont inconnues comme les planètes qui entourent notre galaxie. On se sent immobile face à cette phrase : elle est froide, statique, sans émotions ; même la passion pour raconter une histoire est feignante dans un Olympe qui est à la quête d’une inspiration dans cet endroit complètement inattendu et enclavé des réalités cosmologiques.
C’est dès lors notre obligation de tuer cette expression telle que l’avait fait un fou, quand auparavant il déclara que le mot dieu est mort, ou quand un professeur révéla que le mot est un souci des Olympes et pour autant, personne n’avait guère raison. « Il était une fois » est donc mort dans la présence de ceux qui souhaitent lire une histoire. Celle qui remplisse les néants des pupilles avec une extase de profondeur où le temps coule comme dans un trou noir ; il disparaît dans le mouvement de l’histoire, il devient poésie. Or, ce n’est pas facile de créer une histoire sans cette phrase autoritaire. Elle marque le début de quelque chose magnifique ou complétement stupide. Aurait-elle pu commencer comme un poème sans sujet et direct au point de discussion ? Mais, sur quelle controverse l’histoire s’agiterait-elle ? On ne sait rien ; on ne peut pas le savoir si « il était une fois » nous raconterait quelque chose vécu ou si c’est nous qui sommes en train de vivre la chose, voilà un dilemme.
Il est une fois quand ces yeux se sont posés sur cette page blanche pour raconter une histoire de plus. Il n’y a pas de personnages sauf celles et ceux qui essayent de combler un vide avec des mots risquant d’attraper un moment glorieux. Il n’y en a rien et pourtant, nous créons des idoles à qui idolâtrer, car nous n’osons pas, soit un poème, soit aller sur la lune ou même, devenir célèbre en faisant de bêtises qui nourrissent la stupidité humaine.